… Maya Mémin est une artiste dont l’inventivité ne laisse pas de surprendre. Son point de départ est donc essentiellement la gravure, démarche assez rare aujourd’hui. Ceci, au fil du temps, lui a assuré la fidélité de beaucoup d’amateurs, un peu secrets eux aussi, et de nombreux bibliophiles auxquels se sont très vite joints poètes et écrivains délicats. Tous sont fascinés par ses travaux sur la vibration des encres, des noirs les plus intenses aux plus impalpables, et plus inattendu lorsqu’on prononce le mot « gravure », des couleurs qu’elle traite en grands a-plats, qu’elle superpose au gré d’une harmonie qu’elle sait faire naître de la rencontre de tel ou tel matériau, du plus monumental morceau de zinc à la plus fine feuille d’arbre ou plume, qu’elle recueille et confronte, sur sa presse, aux encres et au papier.
Même si toute une part de son œuvre est constituée de petits, voire de très petits formats, toute une partie de son travail ne peut s’épanouir qu’aux dimensions de l’oriflamme ou de la bannière, dont elle peaufine savamment les présentations. Cette prise en main de l’espace par la gravure, comme elle la conçoit, est plus encore peut-être un travail sur la lumière, la transparence et surtout la transfiguration du matériau de départ auquel elle reste d’une totale fidélité : le papier. Au fil de ses explorations et de ses amitiés, elle a rencontré, le mot n’est pas déplacé, un « presque papier », le non-tissé des blouses stériles en usage dans les hôpitaux. Cette cueilleuse insatiable qu’est Maya s’en est saisi pour bien évidemment les transfigurer sur sa presse, où grâce à de subtiles dispositions, à des passages bien calculés, elle les a « encrées » pour en faire de somptueux vêtements, chasubles ou dalmatiques, apprêtées pour de mystérieuses fêtes, vêtures gracieuses ou icônes d’un culte dont on aimerait être le fidèle, ou mieux encore le desservant, afin de pouvoir s’en parer pour une métamorphose indicible.
Cette nouvelle rencontre a tout naturellement rejailli sur ses autres travaux. Ils s’en sont trouvés enrichis de jeux de trames et de matières, de superpositions d’encres plus subtiles, de surfaces moins directement données à voir que données à deviner puisqu’elles enferment désormais une « lumière fertile.
Sylvie Blottière-Derrien 2002